Jonathan Bréchignac

Exposition personnelle du 22.11 au 3.12.2022

Communiqué de presse

Dossier de l’exposition

“En entrant dans la grotte fantasmée de Jonathan Bréchignac on pénètre dans une œuvre d’art totale, une proposition complexe qui stimule tous nos sens pour nous plonger dans un espace qui joue de nos références communes […]

Grégoire Prangé

 

Vue de l’exposition @Axel Fried

À la croisée d’une archéologie syncrétique et du multivers digital le plus futuriste, l’exposition de Jonathan Bréchignac se présente comme une grotte onirique, à la fois inconnue et familière, étrange et pourtant apaisante, mémoire d’une civilisation passée ou refuge d’une autre cachée. 

Gardant l’entrée, bien campées sur leurs deux pieds, les sentinelles nous font face. Génies protecteurs, à la manière de sphinx égyptiens ou de taureaux assyriens, ils symbolisent le pas d’une porte tant physique que symbolique, l’entrée dans un environnement sacré ou du moins précieux, un autre monde. Manifestement souterrain, cet espace a vu pousser sur leurs visages escargots et champignons – on pense à quelque chose de chamanique et l’expérience devient presque initiatique. Une pilule nous est d’ailleurs proposée, à la fois minérale et herbacée – il y a la grotte, et le psychotrope – il y a le voyage, du corps et de l’esprit. Il y a la matière qui, figée, a coulé sur leur visage. Il y a le vert… partout le vert.

Représentation d’une forme d’équilibre et de renaissance tout en renvoyant au synthétique, voir au chimique, la couleur verte véhicule de nombreuses ambiguïté symboliques. Ici, elle provient d’une expérience et d’une rencontre : issue d’un test de teinte pour silicone, elle marque Jonathan Bréchignac par toute son ambivalence, son étrangeté, à la fois rassurante et inquiétante – un naturel synthétisé – d’un caractère presque phosphorescent qui se prête bien aux profondeurs, à la grotte et à tous ses mystères, tout en évoquant les fonds verts de cinéma, surfaces préparatoires à la projection de nos imaginaires. 

Une fois entrés, nous découvrons de nombreuses pierres – vertes – et concrétions – blanches – parmi lesquelles un feu de camp, espace premier de sociabilité, lieu de naissance de nos échanges, de la politique et de la philosophie, des histoires qui nous relient et nous divisent, de nos narrations collectives. Et au centre un totem : sur une concrétion trois bouteilles, l’une représentant l’eau, la deuxième l’or, la troisième la pierre, trois éléments primordiaux sur lesquels peut reposer en alchimie la quête de la pierre philosophale. La référence à l’alchimie renvoie ici à une forme de syncrétisme entre science et croyance, à l’un aux deux visages. Les trois bouteilles supportent une large pierre coiffée d’un chapeau sur lequel ont poussé des champignons, référence aux pierres vêtues que l’on peut retrouver en Inde et au Japon, à des cultes ancestraux. Nommé Spiritus Mundi, du nom de « fluide universel » associé à la couleur verte dans la pensée alchimique, l’ensemble fait figure de totem synthétique, où se côtoient les cultures, peut-être résidu d’un monde oublié, ou étranger. 

Au fond de la grotte une large fresque. Une arche, sous et autour de laquelle se déploient des forces positives et négatives, que l’on reconnaît parfois – des morceaux de peintures pariétales, des animaux, de la nourriture, une déesse égyptienne, la Gorgone grecque, le monstre sumérien Huwawa – et qui pourtant nous échappent. Multiples légendes connues et oubliées ayant habité diverses époques et continents, ici rassemblées et unifiées dans une forme de continuité : une paroi pour regrouper toutes nos mythologies. 

Partout autour de ces éléments structurels, de petites statuettes votives entre préhistoire, art égyptien et précolombien, une fontaine ou stagne un jus quasi organique, des capsules de gaz hilarant, restes de cultes et de danses passés, un parfum ambiant – quelque chose d’humide, de caverneux – oscillant entre naturel et synthétique, tout comme les sonorités qui elles aussi emplissent l’espace de leur ambiguïté. 

En entrant dans la grotte fantasmée de Jonathan Bréchignac on pénètre dans une œuvre d’art totale, une proposition complexe qui stimule tous nos sens pour nous plonger dans un espace qui joue de nos références communes, un lieu figé et pourtant en mouvement – la résine évolue dans le temps, le plastique aussi est quelque part en vie – en constant équilibre entre la grotte de Platon, l’Enfer de Dante, la peinture pariétale, un site archéologique et un espace futuriste quasi digitalisé. Syncrétisme donc, de nos mémoires rassemblées qui peuvent conduire à une histoire autre, à un univers parallèle qui par effet miroir reformerait notre réalité, qui dans le même refuge verrait se rejoindre le chasseur-cueilleur et l’intelligence artificielle. Il y a quelque chose de l’éveil dans cette exposition, d’un choc à aller chercher dans le monde souterrain – le physique et le mental – à l’intérieur de nous mêmes, au plus profond de nos croyances apprises, pour peut-être en forger d’autres, à l’heure où il est devenu nécessaire de refondre nos imaginaires. 

Grégoire Prangé 

Lille, octobre 2022 

Voir

Entendre

La bande son de la Caverne a été réalisée avec le duo Pernovitc. C’est un mélange de sons organiques et synthétiques qui alterne bourdonnements évoquant le monde souterrain, passages harmoniques et moments silencieux. Elle est conçue à partir de prises de sons réelles, (captations dans des grottes, voix gutturales, bruits d’animaux nocturnes, pierres qui s’entrechoquent…) et des bruits d’ambiance amplifiés à l’extrême (drones) retravaillés avec des synthétiseurs. Elle est diffusée par plusieurs sources indépendantes permettant de spatialiser la bande son en fonction de l’emplacement où se trouve le spectateur.

Goûter

[…] Une pilule nous est d’ailleurs proposée, à la fois minérale et herbacée – il y a la grotte, et le psychotrope – il y a le voyage, du corps et de l’esprit […]

Grégoire Prangé

 

La pilule qui est proposée dans l’installation de Jonathan Bréchignac a été créée avec Allan Gillery (chef au restaurant le Verre Volé, Paris). Son goût herbacé, minéral et long en bouche à été pensé pour accompagner l’expérience tout au long de la visite.

Fanes de betteraves (goût très terreux et un peu sucré), Livèche (herbe montagnarde qui se rapproche du céleri), Sarrazin (goût de céréale bretonne avec une grande longueur en bouche), Cèpe (goût de champignon puissant et intriguant), Corète potagère (herbe maghrébine épaississante qui évoque l’épinard), Sumac (baies orientales séchées qui apportent de l’acidité), Zaatar (mélange d’épices et aromates levantin au goût parfumé, poussiéreux et une pointe d’acidité), Poivre sancho (épice au goût anesthésiant et long en bouche), Glucose atomisé (poudre au goût sucré et stabilisant).

Sentir

 

L’odeur qui remplit l’espace de La Caverne a été développée avec la parfumeuse Alexandra Carlin. 

Nommée Dry Humidity, elle évoque autant la terre mouillée, l’humus et les végétaux gorgés d’eau que l’atmosphère minérale et poussiéreuse de certaines grottes. C’est un assemblage de molécules de synthèse comme le terranol, le corps racine et d’absolus naturels tels que l’absolu de pin et l’huile essentielle de graine d’ambrette. Elle a été pensée pour avoir un sillage presque irréel, à la fois naturel et synthétique comme le vert qui est omniprésent dans l’installation.

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