Letizia Le Fur

Art Fair - Barcelone⎜SWAB 2023 ⎜5.10 - 8.10.2023

Letizia Le Fur, née en 1973, vit et travaille à Paris.

Diplômée de l'Ecole des Beaux-Arts en 1998, Letizia Le Fur a initialement été formée à la peinture. Encouragée par l'artiste et professeure Valérie Belin, elle oriente rapidement sa quête esthétique vers la photographie.

Fascinée par les mythes, Letizia Le Fur développe un travail sur la place de l’homme dans son environnement premier, tout en menant une réflexion tant sur la représentation de la beauté que sur un ailleurs fantasmé.

De ses études émergent la connaissance de l’histoire de l’art, la maitrise de la lumière, l’attention à la couleur. Cette couleur si particulière, que la photographe travaille comme une peintre, par petites touches. Et, comme un peintre mélange les couleurs sur sa palette, Letizia Le Fur, isole et transforme, corrige, ajoute, exalte les tonalités, les amplifie pour transcender le réel et créer cette sensation de monde irréel, perché entre le fantastique et le rêve. Sa quête d’harmonie et de beauté, telle la pratique d’un culte, en opposition à la laideur et à l’inapproprié, est libérée et éloignée des codes en vigueur, inattendue, absolue, parfois secrète.

Lauréate du Prix Leica/Alpine, de la Grande Commande de la BNF et du Prix Fenêtre ouverte de la MEP, Letizia Le Fur a également été résidente du festival Planches Contact de Deauville en 2020, du festival Incadaques en 2021, du festival Portraits à Vichy en 2023 et nominée au Prix Niepce en 2022. 

Son travail fait l'objet d'expositions collectives et individuelles et a été présenté dans de nombreuses publications. Elle a publié deux monographies aux Editions Rue du Bouquet.

  • 2024

    Mythologies, chap. I,II,III, à l'Institut Français de Madrid, Barcelone, Espagne

    2023

    Mythologies, chap. I,II,III, à l'Institut Français de Madrid, Espagne

    Quadrille au festival Vichy Portraits, travail de restitution de la résidence artistique, France, commissariat Fany Dupêchez

    Mythologies (L’origine, L’âge d’or et Les métamorphoses) à l’Institut Français de Madrid, commissariat Emmanuelle de l’Ecotais, Espagne, France

    2021

    Les métamorphoses au Festival InCadaqués, travail de restitution de la résidence artistique, Espagne

    Exposition personnelle L'âge d'or à la Galerie Laure Roynette, Paris, France

    Carte blanche Leica au Château de Chenonceau, Winter Lady, Galerie Leica, Paris, France

    L'origine, restitution de la résidence artistique Planches Contact à Deauville, France, commissariat Laura Serani, France

    2020

    Panneaux d'affichage du premier prix du M.E.P. /Fenêtre ouverte, Paris, France, 2020.

    2019

    Prix Leica/Alpine Hit the road à l'Automobile Club de France, Paris, France, 2019

    Prix Leica/Alpine et restitution de la résidence artistique Hit the road à la Galerie Leica, Paris, France, 2018/2019.

  • 2023

    Mines de rien, Grande Commande BNF au Domaine de Kerguéhennec

    2021

    Musée de la Monnaie à Paris, 30 femmes photographes luttent contre le cancer du sein, commissariat Béatrice Andrieux, France

    Exposition collective Hors saison, restitution de la résidence artistique N.N.I.P.A.S., aux Grands Thermes, La Bourboule, France

    Du jour au lendemain en mémoire des attentats de novembre 2015 à Paris, commissariat Laura Serani, Bataclan, Paris, France

  • 2023

    Résidence pour le Festival Portraits à Vichy

    2022

    Nominée au Prix Niepce

    Lauréate de la Grande Commande Photographique de la BNF

    2021

    Résidence pour le Festival InCadaqués

    2020

    Résidence pour le Festival Planche(s) Contact de Deauville

    Résidence avec le collectif N.N.I.P.A.S pour la Mairie de La Bourboule

    Finaliste pour la résidence de la Fondation des treilles

    1er Prix Maison Européenne de la Photographie pour le concours Fenêtre ouverte, travail réalisé pendant le premier confinement

    2018

    Prix Leica/Alpine pour le concours  Hit the road  et résidence réalisée sous forme de road trip en France

  • 2023

    Catalogue Quadrille, restitution de la Résidence à Vichy, édité par Filigranes

    2022

    Monographie Mythologies, chap. III Les métamorphoses, éditée par les Editions Rue du Bouquet

    2021

    Catalogue personnel de l'exposition Les métamorphoses, à Cadaqués aux Editions Rue du Bouquet

    Catalogue exposition de groupe résidence N.N.I.PA.S. édité par la mairie de La Bourboule

    Monographie Mythologies éditée par les Editions Rue du Bouquet

    2020

    Catalogue Paris, le 13 novembre 2015 - du jour au lendemain - la réponse de 42 artistes, éditions 13onze15 et The Wall Prjects

    Catalogue Planches Contact, festival de photographie de Deauville, éditions Filigranes

    2018

    Catalogue personnel de Hit the road, sous forme de carte routière, éditions This is not a map

  • 1998

    DNSEP à École des Beaux-Arts de Tours

  • Collection Carmen et Lluís Bassat

    La Collection Bassat est l'une des collections les plus représentatives de ce qu'a été l'art catalan de la seconde moitié du XXe siècle. L'intention de la Collection est de contribuer, à travers l'exposition de ses fonds, à l'explication des événements et des mouvements qui ont conduit à l'art de notre temps. Il compte plus de 3 000 œuvres originales, dont environ 2 500 peintures et dessins et 500 sculptures, et est complété par une importante collection d'œuvres graphiques.

  • 2023

    Catalogue collectif Au coeur du vivant, les liens entre les artistes & la nature, Editions Pyramyd

    Catalogue personnel, Quadrille, Editions Filigranes

    2022

    Monographie Mythologies (chap. III) Editions Rue du Bouquet, 2022 (finaliste Prix Nadar et Prix des Libraires)

    2021

    Catalogue personnel Les métamorphoses, Editions Rue du Bouquet

    Catalogue collectif Planches Contact, Editions Filigranes

    Monographie Mythologies (chap. I et II ) Editions Rue du Bouquet

    2020

    Catalogue collectif Paris, le 13 novembre 2015 - du jour au lendemain, Editions The Wall Projects

    2019

    Catalogue personnel Hit the road, Editions This is not a map

Les métamorphoses 80

« … Guidée par les poètes classiques, notamment par Hésiode et Ovide, Letizia interprète ici librement les mythes, re-visités par sa sensibilité et par une approche esthétique contemporaine. 

Sa quête d’harmonie et de beauté telle la pratique d’un culte, en opposition à la laideur et à l’inapproprié est libérée et éloignée des codes en vigueur, inattendue, absolue, parfois secrète. Letizia cherche à transformer et à transcender ce qui l’entoure, à embellir le réel, colorer les gris, s’inventer un monde repaire/repère, où se poser, se réparer, trouver un équilibre au milieu de l'âpreté. A la recherche d’une sorte de refuge esthétique et d’un état de plénitude. Presque une obsession, comme à l’écoute de Stendhal écrivant, dans l’essai De l’amour, «  La beauté n'est que la promesse du bonheur. »

— Par Laura Serani, (extrait)

TEXTES

  • Mythologies, 2019-2021

    Chapitre III Les métamorphoses

    Se sentir à l’orée d’un monde et y laisser tomber les oripeaux filandreux d’une mémoire surchargée d’images, pour mieux y entrer… C’est ainsi que j’ai vécu la découverte des photographies de Letizia Le Fur. Comme un désir diffus enfin assouvi, comme une réponse à une longue quête que je ne cessais de mener, cherchant toujours, quasi désespérée, à être tout simplement émerveillée.

    ​Comme toute rencontre à jamais marquante et qui nous fait grandir, celle – rare – avec la beauté, répond souvent à une attente. La mienne fut littéralement comblée par la rencontre avec les images de Letizia Le Fur. Une beauté aussi exubérante dans la forme que dans l’engouement communicatif qu’elle suscite, comme on dirait débordant de vie, d’idées, d’envies, sans retenue ni barrières. Et voilà que je me sentais tout à coup légère, joyeuse, confiante à nouveau dans le pouvoir des photographies à m’amener là-bas, de l’autre côté de ce mur qui sépare péniblement la représentation du « vrai » de l’élan vers la fiction.

    ​Empruntant gaillardement les chemins de la fiction, Letizia Le Fur se libère, et nous avec, des balises formatées du réalisme, qui s’avère souvent bien pauvre quant à l’ouverture sans limites qu’apporte le rêve. Il est bon de perdre ses repères et de se laisser emporter par un récit qui provoque un choc sensitif et convoque en nous une myriade de réminiscences sensorielles pour mieux nous faire prendre conscience, paradoxalement, d’une réalité. En effet, appréhender l’univers qu’elle a intitulé Les métamorphoses, dans lequel je me suis perdue avec jouissance et absolu, me fait ressentir la fragilité de l’Homme, la fugacité du temps, la vanité de toute conquête. Je renoue là avec quelque chose non d’oublié mais de perdu, une bribe de conscience où l’Homme n’avait pas encore la présomption d’être seul maître à bord. Ces réminiscences, prégnantes ou diffuses mais profondément inscrites en nous, semblent autant celles de notre propre enfance que celles de l’enfance d’une humanité qui arpenta cette terre il y a des millénaires et qui construisit, inventa des histoires, des légendes, des mythes, pour mieux conjurer la peur, le mystère, la beauté cruelle de la naissance conduisant inexorablement à la mort, l’amour volage, fugace, absolu. Des mythes auxquels on se raccroche, comme si notre regard seul ne pouvait trouver aucune réponse. On renoue avec la cosmogonie des peuples où ici un taureau est un Dieu, où là, un chien a le pouvoir de changer le monde.

    ​Letizia Le Fur s’est emparée de la photographie et a pris la tangente, volant avec volupté ce que la photographie a de mieux à offrir, n’en gardant que la substantifique moelle, la transformant en un merveilleux support pour mieux la transformer, la transgresser, la retravailler point par point, feuille par feuille, pierre par pierre, exacerbant les couleurs, renouant ainsi avec ses premières amours, la peinture. Ce travail minutieux de recomposition d’images est issu d’une méthode de recherche que Letizia Le Fur a mise en place très tôt, seul moyen pour se mettre au service d’un récit qui s’inscrit dans le champ rare et remarquable de la poésie pure. L’imaginaire est pleinement aux commandes et nous embarque, quelque peu hallucinés, dans un espace-temps où le rêve est – réellement – à portée de regard. Rien ne semble vrai dans ses images, mais paradoxalement nous y reconnaissons notre lien fondamental au cosmos, à la puissante magnificence de la nature – autrement dit, nous y opérons un retour à l’essentiel et à ce qu’il y a de plus simple au monde : la mer, la terre, le ciel, seulement…

    ​Autant les arbres et les plantes paraissent ancrées, semblent se nourrir généreusement des éléments, autant les êtres ressemblent à des fantômes fugaces : apparitions plus que désignations, on se demanderait presque s’ils ne sont pas en train de fuir l’Histoire des siècles à venir. Se montrant ils se cachent, se cachant ils se montrent… Ils semblent plus traverser les éléments ou être traversés par eux que s’emparer de ceux-ci. De passage. Derrière la beauté de ces corps se blottirait-il une peur diffuse, une fragilité, une tentation pas encore vaine de n’être qu’un autre de ces éléments … ?

    ​L’œuvre de la photographe nous ramène à tout ce que nous pouvons aimer quand la puissance de l’esprit éveille l’imagination pour mieux nous faire prendre conscience, nous faire réfléchir sur le monde alentour. Nous ne sommes pas ici dans le souvenir ni dans l’espoir vain de le retranscrire : nous sommes dans une mémoire, une mémoire commune à tous les peuples de la Terre, qui s’est construite sur des mythes, des légendes, des histoires.

    ​Nourrie depuis toujours de textes issus de littérature ancienne grecque et latine, Letizia Le Fur sait le pouvoir de l’imaginaire pour prendre conscience du réel. Elle s’empare d’un thème éminemment contemporain pour le tirer vers la mythologie. Nous tendant un miroir, elle nous renvoie la vision quasi insupportable de ce que nous avons perdu en cours de route. Et s’il fallait toujours affirmer que la photographie est document, dans cette œuvre-ci, il serait tout simplement, humblement, un document sur la vie. Aujourd’hui, on crie, on gesticule comme de pauvres pantins manipulés, en butte à la destruction de notre planète. Contrairement à nombre de ses contemporains adeptes des deux pieds bien sanglés, ancrés dans le constat, en une pirouette fictionnelle, Letizia Le Fur nous rappelle par touches légères, élégantes et brossées que tout récit mythologique nous ramène à l’histoire de l’humanité… Tel Quetzalcóatl qui se mordrait la queue : du contemporain à la mythologie, de la mythologie au contemporain.

    ​Ovide a écrit un texte fondateur, au même titre que les aborigènes qui récitent en chansons la création et la transformation du monde. Du titre donné à cet opus, Les métamorphoses, je conserve l’idée de l’invention d’un récit poétique unique, que j’appliquerai sans vergogne aucune à celui créé par Letizia, manière de retrouver le monde par une autre fenêtre ouverte. En refermant ce livre, je me suis demandé où étaient passées les créatures qui peuplaient nos forêts.

    Gilou Le Gruiec, Directrice artistique de la galerie Vu

  • À propos de Mythologies (chapitre I, l’origine - chapitre II, l’âge d’or - chapitre III, les métamorphoses)

    «  Donc, au commencement, fut Chaos, et puis la Terre au vaste sein et le Tartare sombre dans les profondeurs de la vaste terre, et puis Amour, le plus beau des immortels, qui baigne de sa langueur et les dieux et les hommes, dompte les cœurs et triomphe des plus sages vouloirs. »

    Hésiode, Théogonie  (VIIe siècle av. J.-C.)

    Le travail présenté ici sous le titre de Mythologies puise ses racines dans deux passions qui habitent et accompagnent Letizia Le Fur depuis son enfance, la mythologie grecque et la recherche de la beauté.

    Guidée par les poètes classiques, notamment par Hésiode et Ovide, Letizia interprète ici librement les mythes, re-visités par sa sensibilité et par une approche esthétique contemporaine.

    Sa quête d’harmonie et de beauté telle la pratique d’un culte, en opposition à la laideur et à l’inapproprié est libérée et éloignée des codes en vigueur, inattendue, absolue, parfois secrète. Letizia cherche à transformer et à transcender ce qui l’entoure, à embellir le réel, colorer les gris, s’inventer un monde repaire/repère, où se poser, se réparer, trouver un équilibre au milieu de l'âpreté. A la recherche d’une sorte de refuge esthétique et d’un état de plénitude. Presque une obsession, comme à l’écoute de Stendhal écrivant, dans l’essai De l’amour, «  La beauté n'est que la promesse du bonheur ».

    Mythologies s’articule en deux chapitres.

    Le premier, l’Origine aborde l’ère de la création du monde. Le deuxième, L’Age d’or évoque l’ère de l’harmonie entre les Dieux, la nature et les hommes.

    Un troisième volet, en préparation, toujours inspiré par Ovide sera consacré aux Métamorphoses.

    Les classiques grecs avec lesquels Letizia a grandi, deviennent un support solide à ses propos narratifs, mais aussi le moyen de traiter de thématiques liées à la société d’aujourd’hui, par métaphores et loin des dispositifs d’auto-fiction, qu’elle redoute et refuse.

    L’Origine raconte à travers un univers aux paysages souvent mystérieux comment à partir du désordre et de la confusion, les Dieux ont réussi à invoquer les éléments pour créer l'équilibre. Ici la matière semble vibrer sous l’effet de forces telluriques, pour fondre dans des alchimies chromatiques. La nature est souvent hostile, âpre; des parois de pierre insurmontables et infranchissables, des étendues minérales inhospitalières impressionnent par leur puissance écrasante face à l’impossibilité des hommes.

    Dans la deuxième partie, L’Age d’or, le monde végétal prend le dessus et la nature figée se réveille dans une explosion de couleurs, les plaines ondulent, les plantes se dressent et s’entrelacent pour tisser des tapisseries aux fils étincelants.

    Apparait parfois l’impression de glisser du mythe à la fable, autre élément fondateur de la littérature et de la psychologie.

    Dans cet univers envoutant, magique et sensuel, la figure humaine apparait. Sous la semblance d’un homme, qui arpente l’espace à la découverte du monde. Eternel Ulysse, poussé par la volonté de connaissance, de dépasser toutes barrières pour regarder des nouveaux horizons, de dompter, ou bien de fusionner avec les éléments, parfois en conquérant, parfois en âme vaguante.

    L’Age d’or évoque un thème universel, plus que jamais d’actualité au moment de la pandémie, celui de la nécessité d’imaginer un nouveau monde et une nouvelle organisation sociale; contexte propice aux utopies.

    Eden perdu ou retrouvé, fait de paysages oniriques où la recherche de l’équilibre et de la perfection demeure constante. Sous bois percés par des lumières «  bibliques  », buissons irradiés, feuillages cuivrés et arbres qui semblent peints à la feuille d’or. L’amour de Letizia pour la nature, se traduit dans sa capacité à magnifier son environnement, autant les espaces ouverts sur l’horizon que les espaces tanière, les pierres et les plantes. Letizia avec ce don de redessiner le réel transforme même la végétation la plus anodine et familière de nos campagne en somptueuse fresques tropicales et emporte les visiteurs dans des paysages à l’échelle incertaine. Avec ce même amour, elle introduit, guide et parfois semble traquer son personnage à travers des décors de plaines, plages, rochers, champs où le corps élu se fond, émerge, s’impose, trouve sa place dans le cadre, toujours en équilibre et dans un dialogue permanent avec l’environnement qui parfois le défie, parfois l’accueille. Jamais le regard de Letizia ne s’attarde sentimentale ou ne tombe dans le romantisme.

    Ces chapitres semblent correspondre aussi aux phases de l’évolution de son travail : après une période foisonnante et un peu chaotique, identifiable avec L’Origine, le surgir - il y a environ deux ans - du besoin d’un mode plus harmonieux, avec la mise en place d’un nouveau projet personnel qui renvoie à l’esprit de L’Age d’or. Au coeur du projet, l’intention d’introduire un personnage et de mettre en scène des images perçues ou rêvées.

    Enfin, la suite logique de son processus créatif qui semble annoncer le troisième chapitre, avec l’impression de se métamorphoser elle même. 


    De ses études aux Beaux-Arts et de ses débuts dans la peinture, avant de s’orienter vers la photographie, émerge la connaissance de l’histoire de l’art, la maitrise de la lumière, l’attention à la couleur. Cette couleur si particulière, ici en tant que photographe, elle travaille comme un peintre, par petites touches. Et, comme un peintre mélange les couleurs sur sa palette, Letizia, dans la phase de post-production, isole et transforme, corrige, ajoute, exalte les tonalités de chaque couleur, les amplifie pour transcender le réel et créer cette sensation de monde irréel, perché entre le fantastique et le rêve… La photographie n’est qu'une esquisse qui seulement après ses interventions devient l’image rêvée et imaginée. Dans cette démarche l'émergence de la photographie numérique a été pour Letizia un cadeau, avec la révélation d’une nouvelle dimension temporelle et spatiale.

    Les influences et les références à la peinture et à l’histoire de l’art sont constantes dans l’oeuvre de Letizia, comme quand elle soulève la question de la représentation du nu masculin, très présent jusqu’à la renaissance et ensuite quasiment absent. Ainsi que les questions subsidiaires de comment représenter ce corps en gardant le juste détachement, sans tomber dans la complaisance, ni l’exaltation des clichés, en restituant cette complexité de force et d’audace, de fragilité et de douceur. Face au thème de la figure humaine, comme ailleurs, en s’appuyant sur la mythologie Letizia met en scène ses «  figures intimes  », avec discrétion et élégance.

    Letizia Le Fur se voile et se dévoile derrière ses images, les mots qu'elle concèdent timidement et posent sur son travail révèlent autant sa sensibilité qu'une réflexion approfondie sur la démarche entreprise et permettent de contextualiser la lecture de ses images dans son parcours autant que dans l’histoire de l’art : 

    
«  L’origine dans la mythologie grecque représente le chaos, c’est l’ère qui précède la mise en place harmonieuse de la vie sur terre. La nature et les éléments y sont omniprésents et hostiles. 
Il correspond également à la genèse de ce travail, de ce cycle. C’est également une mise en place du contexte, du cadre, avant de mettre en scène la figure humaine. 
Avec L’Age d’or on retrouve le double motif du paysage et de la figure humaine. 

À la Renaissance, le mythe de l’Age d’or connaît un fort succès et est toujours représenté sous la forme de célébration de l’amour, de la fertilité et de l’abondance. 
Dans mon travail, il s’agit d’une vision du monde contemporain idéalisée, à travers éventuellement le regard discret d’une femme amoureuse. 
L’âge d’or aujourd’hui et tel que j’ai choisi de le montrer se situerait moins dans une représentation de l’abondance et de la fertilité (dont nous ne manquons pas) mais plus dans l’idée d’un désir de liberté et d’une volonté de s’extraire de la société. Plutôt que d’une communion entre les êtres,  il s’agit ici d’un rêve de communion avec la nature, comme réponse à nos inquiétudes et notre culpabilité écologiques. La profusion de personnages, emblématique des tableaux du 16e siècle, est ici remplacée par un homme seul à l’image d’une société contemporaine où l’individualisme prime. 
« L’âge d’or a toujours permis d’exprimer les questionnements, les inquiétudes et les espoirs d’une société » *
D’un point de vue professionnel et personnel, l’âge d’or pourrait correspondre à l’épanouissement de ma pratique artistique à travers ce travail. 

- Prochaine étape, Les métamorphoses, un projet sur la représentation de la transformation quand elle est motivée par la fuite, la survie ou la conquête. 
Il s’agit également de ma propre transformation qui opère au fil de ce travail en explorant une représentation peut-être plus abstraite de la beauté.  »

    *Elinor Myara Kelif « L’imaginaire de l’âge d’or à la Renaissance » 2017

    Texte de Laura Serani - Directrice artistique du festival Planches Contact